La pauvreté française se concentre dans les départements d’outre-mer
Alors qu’ils rassemblent seulement 3% de la population française, les 5 départements d’outre-mer accueillent 24% des habitants en situation de grande pauvreté.
Le taux de pauvreté en Martinique comme en Guadeloupe se rapprochent de celui observé en Seine-Saint-Denis (27,6%), avec un ménage sur trois vivant avec moins de 1 000 euros mensuels, soit 60% du revenu médian français). La situation est plus préoccupante à la Réunion, avec un taux de pauvreté de 37% et surtout en Guyane, où plus de la moitiié des habitants vit sous le seuil de pauvreté. A Mayotte, ce sont les trois quarts des ménages qui peuvent être qualifiés de “pauvres” (77%).
Cette précarité est d’autant plus visible que les inégalités sociales sont marquées. Notamment à la Réunion et en Martinique, qui comptent parmi les départements les plus inégalitaires de France (après Paris, les Hauts-de-Seine et la Haute-Savoie). Les 10% des ménages martiniquais les plus pauvres ont un revenu médian quatre fois inférieur à celui des 10% les plus riches. Ces inégalités sociales particulièrement marquées dans les agglomérations.
Par exemple à Fort-de-France, dans l’Iris qui comprend le quartier Des Rochers et une partie de Didier, les ménages les plus aisés disposaient en 2020 d’un revenu médian annuel de 62 140 euros. La même année, 500 mètres plus au sud, de l’autre côté de la rocade, dans le quartier des Terres Sainville, les 10% des ménages les plus défavorisés disposaient de seulement 6 390 euros. Presque 10 fois moins. C’est le quartier plus pauvre de Martinique en 2020. (Voir « Revenus : la Martinique est l’un des départements les plus inégalitaires de France« )
A Mayotte, le rapport entre les deux extrêmes est abyssal : 20% des ménages les plus riches gagnent 80 fois plus que les 20% les plus pauvres.
Une grande pauvreté plus intense
L’enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie (SRCV) de 2018 met en lumière un aspect encore plus préoccupant de la précarité : la grande pauvreté. On qualifie ainsi la situation des ménages qui vivent avec moins de 50% de niveau de vie médian, tout en subissant des privations matérielles et sociales. Elle touche 2% de la population de l’hexagone, mais près de 30% des Guyanais, 14% des Réunionnais, 12% des habitants de Guadeloupe et 10% en Martinique. Cette enquête n’a pas été conduite à Mayotte, où les trois quarts de la population vit sous le seuil de pauvreté. Mais il est probable que plus de 70% des Mahorais entrent dans cette catégorie.
La grande pauvreté est plus fréquente en Outre-mer, mais aussi plus intense. La moitié des personnes en grande pauvreté disposent de moins de 470 euros par mois en Guyane, 690 euros à Réunion ou encore 680 euros en Guadeloupe (790 euros dans l’hexagone). Les familles monoparentales sont les plus exposées, mais aussi les “ménages complexes”, en Guyane, composées de plusieurs couples ou générations.
Cette précarité se traduit logiquement par une proportion importante de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) parmi les 15-69 ans : 17,4% en Guadeloupe, 16,9% à la Réunion, 14,8% à la Martinique (4,5% en moyenne nationale) (Source : CNAF-MSA-Insee – Population estimée au 1er janvier 2021) Le cas de Mayotte est d’ailleurs contradictoire : dans le département le plus pauvre de France, le montant du RSA reste limité à 50% du taux en vigueur partout ailleurs.
Sources :
- Insee, enquêtes Statistiques sur les Ressources et Conditions de Vie (SRCV), 2018
- Audoux L., Prévot P., La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM, Insee Focus n°270, juillet 2022.
- Jeanne-Rose M., Creignou A., 29 % des Guyanais en situation de grande pauvreté en 2018, Insee analyses Guyane, juillet 2022.
- Reif X., En Guadeloupe, deux personnes sur cinq sont en privation matérielle et sociale, Insee analyses Guadeloupe, décembre 2020.