La vie chère renforce la précarité dans les DOM


Contrairement aux idées reçues, les revenus plus faibles observés en outre-mer ne sont pas compensés par les prix à la consommation. En moyenne, à la Réunion, les produits et services sont 9% de plus que dans l’hexagone, et jusqu’à 16% en Guadeloupe.


L’écart ne cesse de se creuser depuis une dizaine d’années. En 2010, les prix pratiqués en Guadeloupe étaient supérieurs de 8,3% à ceux observés dans l’hexagone. En 2022, la différence est passée à 15,8%. Cette dégradation se retrouve, à un degré moindre, dans les autres départements d’outre-mer. A Mayotte, l’écart de prix était de 6,9% en 2015 contre 10,3 en 2022.

Ces différences observées par l’Insee dans son “Enquête de comparaison spatiale des prix”, sont particulièrement marquées pour les produits alimentaires : près de 42% plus chers en Guadeloupe. Même en tenant compte des habitudes de consommation locales, le panier moyen reste plus cher d’environ 30%. 

Les produits liés à la santé (médicaments, appareils et matériels thérapeutiques) sont également plus chers dans la DOM. D’une manière générale, se soigner coûte jusqu’à 17% plus cher dans les DOM (avant remboursements éventuels). L’écart est plus faible à la Réunion, avec un surcoût de 9%.

Marges opaques

Parmi les intermédiaires qui font grimper les prix à la consommation on trouve essentiellement le transport maritime, dans lequel le groupe privé CMA-CGM dispose d’une position dominante, et la grande distribution, contrôlée par un nombre restreint d’acteurs. D’autres entreprises de fret maritime opèrent dans l’outre-mer (Seatrade, Marfret, Soreidom), mais leur dimension n’est pas de nature à influer sur les tarifs pratiqués par la CMA-CGM. Et aux Antilles, Maersk a décidé de se retirer du marché. 

Comprendre la raison de ces surcoûts, c’est précisément la mission, dans chaque DOM, de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR), dont les moyens sont très limités. Comme le montre l’enquête parlementaire publiée en juillet 2023 sur le coût de la vie en Outre-mer, chacun de ces organismes se heurte à l’opacité des acteurs économiques du fret et de la grande distribution, qui opposent presque systématiquement le “secret des affaires” à toute demande de données. Y compris lorsque cette demande vient de l’Insee. Plus surprenant : lors de leur audition devant les députés, les représentants des principaux groupes importateurs ont admis ne pas déposer leurs comptes annuels, comme la loi les y oblige, afin qu’ils ne soient pas publiés au Bodacc et donc accessibles à tous. 

Réforme de l’octroi de mer

La puissance publique dispose toutefois de plusieurs leviers pour contenir les prix. Depuis 2012, des accords annuels de modération des prix des produits de grande consommation, le «  Bouclier Qualité Prix », sont conclus dans chaque territoire avec l’ensemble de la filière de distribution. Ils permettent de contenir les prix sur une liste de produits, environ une centaine selon les départements. Le gouvernement a annoncé cet été une extension de ce dispositif de gel des prix, ainsi qu’une réforme de l’octroi de mer, qui serait effective “au plus tard fin 2027”.

Il existe aussi des solutions structurelles, comme le développement des productions locales et des circuits courts. Il existe à ce propos un fond européen de soutien aux agriculteurs d’outre-mer. Le Posei (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) est doté de 320 millions d’euros par an, dont 200 millions sont attribués en réalité à des filières exportatrices (banane et canne à sucre), selon les éléments recueillis par la commission d’enquête.

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