Protection de l’enfance : le retard perdure en outre-mer
Un rapport parlementaire souligne « la situation alarmante » des mineurs soumis aux violences dans les départements d’outre-mer et l’insuffisance des prises en charge. 6 375 enfants étaient accueillis, fin 2021, par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en Guyane, Martinique, Guadeloupe et la Réunion. Leur nombre a tendance à stagner depuis 2015, alors qu’il a continué de progresser dans l’hexagone.
En près de 20 ans, le nombre de mineurs accueillis par l’aide sociale à l’enfance dans l’hexagone a augmenté de 47%, mais seulement de 19% dans les 4 départements ultra-marins, malgré leur dynamisme démographique. C’est ce que montre le graphique ci-dessus, en prenant pour base commune la situation de chaque territoire en 2002.
En Guyane, bien que les effectifs aient fortement augmenté depuis 2002 (+74%), ils représentent une part très faible de la population : 1,2% des moins de 20 ans, contre 2,4% dans les départements de l’hexagone. La Martinique présente l’un des plus forts taux d’accueil avec 3,4%, alors que la Réunion et la Guadeloupe se rapprochent de la moyenne nationale (2,3%).
L’outre-mer se distingue également par une plus faible capacité d’accueil en villages d’enfants et établissements spécialisés. Mais aussi une répartition très inégale des moyens : la Guyane dispose en moyenne d’une seule place pour 1 000 enfants, alors que la Martinique en compte près de 7 (5,6 en moyenne nationale).
Plus de la moitié des enfants confiés à l’ASE sont placés en familles d’accueil (62% en Guadeloupe, 89% en Guyane). Ce manque de structures et les difficultés de recrutement de familles agréées pour l’accueil d’enfants expliquent d’ailleurs en partie les taux d’accueil plus faibles dans certains départements.
Les dépenses totales par bénéficiaire en outre-mer sont pourtant modérées. Elles ne dépassent pas 41 200 euros par an et par enfant accueilli alors qu’elles s’élèvent à plus 48 000 euros à Paris ou dans l’Hérault.
Les tranches d’âges des enfants accueillis varient d’un département à l’autre : plus d’un enfant sur 4 est âgé de 6 à 10 ans à la Réunion (20% dans l’hexagone), et seulement 11% ont plus de 18 ans. En Guyane, 8% des enfants ont moins de 3 ans. Ces bébés représentent moins de 6% des accueils en Guadeloupe, où le public de l’ASE est assez cohérent avec la structure par âge de la population. La part des plus 18 ans y est d’ailleurs très proche (17%) de celle observée dans l’hexagone (19%).
A Mayotte, un état d’urgence mal évalué
Mayotte est encore ignorée par l’enquête sociale menée chaque année par le Ministère de la Santé. La situation y est pourtant plus alarmante. Et les moyens alloués restent insuffisants pour prendre en charge tous les enfants qui relèveraient normalement de l’ASE. C’est en tout cas le constat que faisait en 2019 la Chambre régionale des Comptes.
Cette prise en charge incomplète s’accompagne d’une connaissance très approximative des besoins. En 2016, un ”Observatoire de mineurs isolés” estimait à 4 446 le nombre de mineurs “non-accompagnés”, pour la plupart avec des parents immigrés illégalement des Comores puis expulsés. Environ 300 n’avaient aucune famille à Mayotte. Dans cet angle mort, on ignore tout autant le nombre d’enfants descolarisés et vivant dans des logements indignes. Et, comme le note le sociologue Nicolas Roinsard, les bandes de quartiers deviennent alors leur seul cadre protecteur.
Sources
- Insee (2023) – Action sociale départementale
- DREES (2022) – Enquête Aide Sociale 1996-2021
- DREES (2022): L’aide et l’action sociales en France, édition 2022
- Rapport d’information du Sénat (2021) – Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale