La population de Mayotte face aux crises de l’eau
Des épisodes de sécheresse plus intenses et un investissement insuffisant dans les structures d’alimentation en eau potable compromettent la santé de la population, dont la croissance démographique accroît la pression sur les ressources.
C’est une crise humanitaire d’une ampleur inédite dans un département français. Depuis le mois de septembre, l’eau ne coule plus des robinets deux jours sur trois et les services de l’Etat en sont réduits à distribuer deux litres d’eau par personne et par jour aux 50 000 habitants les plus démunis, puis à l’ensemble de la population à partir de mi-novembre.
Dans ce petit archipel de 374 km2, l’alimentation en eau potable dépend essentiellement des captages en rivières et des retenues collinaires, qui se rechargent durant la saison des pluies, de novembre à avril. Or, cette saison des pluies s’avère la plus sèche des 25 dernières années. Le niveau de précipitation n’a donc pas permis de recharger les réserves. Une situation déjà vécue en 1997, 2011 et 2017.
Connaissance insuffisante du potentiel hydrologique
Si la majorité des habitants bénéficie désormais d’un raccordement à l’eau courante, plus de 10% d’entre eux doivent se contenter des bornes fontaines. L’accès à l’eau reste incomplet dans les bidonvilles et certaines habitations se situent à plus de 500 mètres du réseau.
L’opérateur local (SMAE) est en mesure de produire plus de 38 000 m3 d’eau par an, mais c’est insuffisant au regard de la variabilité des réserves et de la pression démographique. Le besoin serait plutôt de 42 000 m3 par an, selon la préfecture de Mayotte. Et le manque d’entretien du réseau entraîne des fuites importantes, de l’ordre de 35%, soit 15 000 m3 d’eau par jour.
En dehors des eaux de surface, les forages profonds ne fournissent que 24% de l’eau distribuée. Mais pour produire davantage, il faut d’abord connaître le potentiel hydrologique souterrain de l’archipel. Les connaissances scientifiques dans ce domaines sont encore parcellaires. Le département ne dispose d’ailleurs toujours pas d’agence de l’eau.
Un enjeu majeur de santé publique
Ces coupures à répétition ont tendance à dégrader la qualité de l’eau circulant dans le réseau, où se développent des agents pathogènes. C’est probablement l’origine de la recrudescence de cas de gastro-entérite observés depuis le mois septembre. La consigne de faire bouillir l’eau avant de la consommer n’est pas toujours comprise et appliquée. Et d’une manière générale, la pénurie pose des problèmes d’hygiène dans les établissements de santé et les écoles, qui pourraient conduire à leur fermeture temporaire.
L’équilibre économique même de la production d’eau est rendue plus instable par le niveau de précarité de la population. 77% des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté, obligeant le Département à prendre en charge une partie des factures d’eau des particuliers.
Au-delà des problèmes de distribution d’eau potable, la sécheresse des derniers mois a lourdement impacté les petites exploitations maraîchères et les élevages. Ce qui met encore davantage en péril la sécurité alimentaire de Mayotte. Le développement encore embryonnaires des activités agricoles et industrielles serait presque rassurant en période de crise de l’eau. Les besoins domestiques ne sont pas encore concurrencés par des intérêts économiques, comme c’est le cas dans d’autres départements.
Sources :
- Daouda Diakité, “Alimentation en eau potable à Mayotte : un état des lieux”, La Lettre du CEMOI, 2017, 11, pp.1-3.
- Agence Régionale de Santé de Mayotte, Qualité de l’eau du robinet à Mayotte en 2022