A Cayenne, près du tiers des demandeurs d’asile vient de Syrie
En quelques années, la Guyane est devenue l’étape inattendue d’une route migratoire d’exilés Syriens qui cherchent refuge en Europe. Les demandeurs d’asile originaires de Syrie restent moins nombreux que les Haïtiens, mais ils mettent en évidence des défaillances dans l’accueil des migrants.
Au cours de l’année 2022, 942 migrants originaires de Syrie ont déposé une demande d’asile à Cayenne. Fuyant la guerre et les persécutions du régime de Bachar al Assad, ils ont emprunté une route migratoire de contournement, afin d’éviter la Turquie dont les passages vers l’Europe sont désormais bloqués ou encore les dangers de la traversée par la Méditéranée. Confinés dans des camps de réfugiés au Liban, la plupart d’entre eux ont obtenu un visa humanitaire auprès de l’ambassade du Brésil. Ils ont ensuite pris un avion à Beyrouth pour Sao Paulo, avant de rejoindre le nord du Brésil puis traverser l’Oyapock clandestinement pour rejoindre le territoire français.
Le volume total des demandes d’asile est deux fois moins important qu’il y a cinq ans, en 2017. L’Ofpra avait alors ouvert 5 176 dossiers, essentiellement pour ressortissants haïtiens. Les exilés syriens étaient alors très minoritaires avec seulement 57 demandes enregistrées.
Procédure accélérée
Avec des campements de fortune installés dès 2019 aux abords de la cathédrale ou sur la place des Amandiers, ces réfugiés du Moyen-Orient ont pu susciter des tensions à Cayenne. D’abord parce qu’ils sont plus visibles dans l’espace public. Les demandeurs d’asile de nationalité haïtienne, plus nombreux, trouvant refuge dans les quartiers d’habitat informels, autour du centre-ville.
Avec l’ouverture d’un bureau de l’Ofpra en Guyane en 2017, puis l’adoption en 2018 d’une procédure accélérée de dépôt et d’examen des dossiers, les demandeurs d’asile ne sont plus notifiés par voie postale mais doivent se rendre en personne à plusieurs reprises dans le centre-ville de Cayenne. En 2019, le délai moyen de traitement des dossiers était de 95 jours en outre-mer (185 jours à Mayotte), mais seulement de 38 jours en Guyane, avec un délai médian de 11 jours.
D’un autre côté, l’accueil des demandeurs d’asile souffre d’un manque de moyen, mis en exergue par la nouvelle vague de réfugiés syriens. Le centre d’accueil ouvert en juillet 2022 est dimensionné pour accueillir 18 personnes : il en abritait plus de 80 en janvier 2023, dans des conditions sanitaires précaires.
L’absence de CADA : une anomalie
Le Préfet a annoncé en début d’année l’ouverture d’une soixantaine de places en hébergement d’urgence, notamment loin de Cayenne, à Sinnamary et Regina. Et un nouveau centre d’accueil a ouvert début septembre à Matoury. Mais le Ministère de l’Intérieur ne prévoit toujours pas la construction d’un véritable CADA (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile) en Guyane. En comparaison, le Finistère, soumis à une moindre pression migratoire, en compte cinq. Le Schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés en vigueur pour la période 2021-2023, ne prend pas en compte les régions d’Outre-mer. Plusieurs associations d’aide aux réfugiés s’en étaient émues auprès du Conseil d’Etat, qui avait reconnu qu’il y avait là un manquement.
Sources
- Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (Ofpra) – Rapports d’activités (2015 à 2021)
- Le Monde – La Guyane, nouvelle destination des réfugiés venus des pays arabes